Avec le fauteuil Joe, produit par Poltronova à partir de 1971, les designers Jonathan De Pas, Donato D’Urbino et Paolo Lomazzi rendent hommage à l’une des personnalités les plus célèbres de cette période: le champion américain de base-ball Joe Di Maggio, époux de Marylin Monroe.
Leur projet vise à dépasser, avec ironie et légèreté, les règles rigides du rationalisme et une ouverture vers le monde de la pop. « Depuis les premières années d’activité du studio, les auteurs ont pu tracer leur propre cheminement alternatif et rebelle grâce à ce projet concret et efficace, en phase avec l’industrie. De Pas, D’Urbino et Lomazzi se sont amusés à imaginer des produits déstabilisants, mais toujours rigoureusement fonctionnels », écrit l’historienne Maria Teresa Feraboli.
Cet objet emblématique témoigne de la capacité du design italien à faire de l’objet du quotidien quelque chose d’inattendu et d’artistique. Le fauteuil reproduit un gant de base-ball en taille géante, imitant à la perfection ses matériaux, ses couleurs et ses détails : coutures, renforts, lacets et œillets. Avec sa sellerie en cuir, il est conçu pour accueillir deux personnes. Malgré l’aspect ludique du fauteuil en forme de main, le siège est étonnamment confortable et ergonomique. De Pas, D’Urbino et Lomazzi ont travaillé sur son prototype d’abord en argile, puis en plâtre, et ont ensuite fabriqué la matrice du moule pour injecter le polyuréthane. « Nous avons beaucoup travaillé sur la maquette : elle a été mise sur un piédestal, les mêmes que ceux utilisés pour faire des sculptures. Pour le démontrer, nous avons mis des sacs de jute par-dessus parce que l’argile était humide, puis nous nous sommes assis dessus jusqu’à ce que nous trouvions les bonnes formes », explique Paolo Lomazzi.
L’audace du projet est également démontrée par la campagne publicitaire conçue par Poltronova. « Au moment des débuts de Joe, Sergio Cammilli [le fondateur de Poltronova, ndlr] était terrifié par les droits d’utilisation liés au nom de Joe Di Maggio. C’est ainsi que, grâce à Paolo Lecci, le slogan « JOE… di maggio [qui veut dire mai en italien, ndlr] , juin, juillet… » voit le jour. Une petite blague qui se justifiait aussi par notre jeune âge », disent les concepteurs. Le fauteuil Joe est peut-être le projet qui représente le mieux ce qu’Andrea Branzi décrit comme « une réinterprétation ponctuelle des typologies et des fonctions, mélangées à l’utilisation de nouveaux matériaux, qui parcourt le champ, le traverse transversalement, introduisant des rafales de vent chaud, d’énergie et de vitalité dans le projet ».
A cette période là, Poltronova était certainement parmi les entreprises les plus dynamiques et les plus productives du design italien. Dans les années 1960, dans une région comme la Toscane qui ne produisait rien en matière de design, Poltronova comptait dans ses équipes tous les meilleurs éléments : non seulement Ettore Sottsass, qui était directeur artistique, mais aussi Gae Aulenti, Paolo Portoghesi, Giovanni Michelucci, Angelo Mangiarotti, Archizoom, Superstudio, De Pas-D’Urbino-Lomazzi ; donc non seulement les maîtres, mais aussi les protagonistes du « nouveau design » que l’on appelait alors les radicaux… » écrit Branzi. « Sergio Cammilli a immédiatement adopté une méthode différente et expérimentale, réunissant l’âme polycentrique du design italien, ses contradictions, ses tendances opposées ».
En 1972, le fauteuil Joe a été parmi les protagonistes de la célèbre exposition « Italy, The new domestic landscape » au MoMA de New York, qui présentait le meilleur du design Made in Italy. À partir de ce moment là, les trois designers ont été propulsés sur le devant de la scène avec un succès mondial et leurs produits ont fait partie des collections des plus importants musées du monde.